Une servitude de voisinage grève peut-être le bien que vous souhaitez acheter. D’ailleurs, vous entendez cette expression à la lecture de l’acte de vente chez le notaire : un article « Servitudes » y figure. Il est important de comprendre cette notion juridique, et de consulter le détail des éventuelles servitudes attachées au bien immobilier que vous visitez. En tant que nouveau propriétaire en effet, vous en subirez les conséquences au quotidien. Sachez à quoi vous vous engagez, et évitez les conflits de voisinage à terme.
Sommaire
Servitude de voisinage : définition et origines
Le régime juridique des servitudes de voisinage est prévu aux articles 637 à 710 du Code civil. La loi en fait la définition suivante : « Une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l’usage et l’utilité d’un héritage appartenant à un autre propriétaire ». En ancien droit, le terme « héritage » désigne une propriété immobilière.
La servitude de voisinage est un droit accordé au propriétaire voisin, qui affecte la jouissance de votre propre bien immobilier. Exemple : en zone agricole, votre voisin peut être autorisé à faire paître ses bêtes sur votre terrain. On parle de servitude de pacage. Au quotidien, vous vous retrouvez avec des animaux dans votre jardin, sans pouvoir leur en empêcher l’accès. Cela peut s’avérer contraignant, c’est pourquoi vous êtes informé de la servitude avant d’acheter le bien.
Les 3 types de servitudes de voisinage
Il existe 3 types de servitudes.
#1 La servitude de voisinage est imposée par la situation naturelle des lieux :
- C’est notamment le cas lorsque vous achetez une maison située sur un terrain en pente, avec une maison située en contre-haut. Votre propriété en contre-bas subit l’écoulement des eaux de pluie ou de sources. Ainsi, vous ne pouvez pas le reprocher à votre voisin… Et vous n’avez pas le droit de construire un édifice qui empêcherait l’écoulement. En revanche, vous pouvez être indemnisé de votre préjudice, sous conditions.
- Ce type de servitude englobe également le bornage. Si vous achetez une maison située sur un terrain contigu d’un autre terrain – cas de figure quasiment irrémédiable en pratique – le bornage des propriétés s’impose dès lors qu’un propriétaire en fait la demande. C’est-à-dire que si votre voisin fait borner son terrain, vous devez non seulement accepter l’installation des bornes en limite de votre propriété, mais en plus payer une partie des frais. Si vous refusez, votre voisin peut vous y contraindre par voie judiciaire.
#2 La servitude de voisinage imposée par la loi :
La loi crée cinq servitudes, dont trois qui se retrouvent fréquemment, à l’origine de conflits de voisinage.
- Les servitudes de mitoyenneté : lorsque deux parcelles sont contigües, les limites séparatives sont mitoyennes. Cela signifie que le mur, la clôture, la plantation ou la haie qui fait office de séparation entre les deux terrains appartient en commun à vous et à votre voisin. Sauf abandon du droit à la mitoyenneté, cela vous impose notamment de partager les frais de construction et d’entretien.
- Les servitudes de vue : la loi réglemente la nature et les dimensions des fenêtres qui vous offrent une vue sur la propriété du voisin. Bien que vous soyez chez vous, vous ne faites pas ouvrir des fenêtres librement.
- Les servitudes de passage : le droit de passage autorise votre voisin à passer sur votre terrain s’il n’a pas d’accès à la voie publique. Vous êtes obligé de lui laisser cet accès conformément aux dispositions légales.
#3 La servitude de voisinage conventionnelle :
Les servitudes de voisinage établies par l’homme sont attachées à la propriété immobilière et non aux personnes. Elle se transmettent donc en même temps que le droit de propriété. Quand vous achetez votre maison, la servitude s’impose à vous.
La servitude de voisinage est conventionnelle lorsque :
- Les propriétaires l’ont décidée, par écrit.
- Un propriétaire l’a établie par la pratique. C’est-à-dire qu’il a créé et profité d’un droit, pendant une période de trente ans au cours de laquelle aucun voisin ne l’a remis en question. Ce type de servitudes conventionnelle n’est admis que pour les servitudes dites « continues et apparentes ». La servitude de vue peut être établie par la pratique, par exemple, car elle s’exerce en continu et la fenêtre est visible : si la fenêtre existe depuis plus de 30 ans, vous ne pouvez pas la faire détruire même si son emplacement et ses dimensions sont contraires à la réglementation, vous subissez la vue que votre voisin a sur votre terrain. En revanche, le droit de passage, qui est une servitude dite « discontinue », ne peut pas être établie par la pratique : une convention écrite est nécessaire.
Exemples de servitudes de voisinage établies par l’homme :
- Un propriétaire a fait passer ses canalisations d’eau en souterrain du terrain voisin, sans qu’aucun propriétaire dudit terrain n’ait contesté dans les trente années suivantes.
- Le droit de passage peut également être ainsi acquis, par convention, même si le terrain dispose d’un accès à la voie publique. C’est le cas lorsque deux voisins qui s’entendent bien décident par écrit d’autoriser l’un à utiliser l’eau du puits de l’autre, concédant par la même occasion un droit de passage. Ils ont instauré une servitude de puisage et de passage.
Comment supprimer une servitude établie par les propriétaires antérieurs ?
Vous avez acheté une propriété immobilière grevée d’une servitude ? Quatre issues possibles pour récupérer la jouissance parfaite de votre bien :
- Si les propriétaires antérieurs de la propriété voisine n’ont pas usé de la servitude de voisinage les trente années précédentes, la servitude n’existe plus. C’est le cas par exemple lorsque le puits installé sur votre terrain n’est plus utilisé par le voisin depuis plus de trente ans : il n’y a plus accès.
- Si l’ouvrage est devenu inutilisable. Exemple : lorsque le voisin a rénové son installation de plomberie, et détruit par la même occasion le réseau qui passait dans le sous-sol de votre terrain, la servitude disparaît.
- La servitude s’éteint au moment où les deux terrains appartiennent au même propriétaire.
- Vous pouvez vous mettre d’accord avec le voisin pour supprimer la servitude conventionnelle, par écrit.
Zoom sur trois servitudes de voisinage fréquentes
Le droit de passage, une servitude de voisinage contraignante
Cette servitude de voisinage est particulièrement contraignante. Alors que vous êtes chez vous, votre voisin a le droit de passer dans votre jardin. La servitude de passage est soit imposée par la loi, soit décidée conventionnellement par les propriétaires antérieurs.
- Le terrain du voisin est enclavé, c’est-à-dire sans accès à la voie publique : la servitude est automatique. Pour autant, le passage se fait en bonne intelligence. Votre voisin prend le chemin le plus court, le moins large et le moins dommageable pour vous. Sans compter que c’est à votre voisin de payer les frais éventuels de construction et d’entretien du portail d’accès. En cas de difficultés à trouver un accord, c’est le juge du Tribunal judiciaire qui tranche. Sachez que si cette servitude vous cause un préjudice, vous pouvez demander des dommages et intérêts. Bien entendu, la servitude cesse dès qu’un accès à la voie publique est créé.
- Si le terrain du voisin est simplement difficile d’accès, le droit de passage ne peut être acquis que par convention. Le cas échéant, vous pouvez demander au juge de faire cesser la servitude, notamment en prouvant qu’elle n’est plus utilisée depuis trente ans.
À noter : le droit de passage se distingue du tour d’échelle. Le tour d’échelle est un droit de passage, mais uniquement temporaire. Il permet à votre voisin, avec votre accord préalable, d’installer un échafaudage sur votre terrain le temps de faire ses travaux. Vous devez donner votre accord ; cependant en cas de refus, votre voisin peut saisir le juge pour faire constater votre abus.
La servitude de vue
La servitude de vue est imposée par la loi, pour préserver l’intimité de votre voisin mais également la vôtre. Les règles sont les suivantes :
- 1m90 minimum entre la fenêtre et la limite de propriété, pour une vue directe – on parle de vue « droite ».
- 0,60 mètre entre la fenêtre et la limite de propriété pour une vue « oblique » – la vue est dite « oblique » si vous devez vous pencher ou tourner la tête pour voir chez votre voisin.
Ces règles s’articulent avec les règles d’urbanisme et le PLU, qui prévalent. Dans certaines communes en effet, la mairie institue des contraintes de construction. Cela vous empêche par exemple de construire votre maison neuve trop proche des limites de propriété.
La servitude de recul de vos plantations
Vous avez acheté un terrain, pour autant vous n’y faites pas ce que vous voulez. La loi impose une servitude de voisinage en matière de plantations : vous ne pouvez pas planter un arbre de plus de deux mètres de haut à moins de deux mètres de la limite séparative. Pour les autres plantations, la loi vous impose une distance minimum de cinquante centimètres.
Comment vous sécuriser au moment d’acheter un bien grevé d’une servitude de voisinage ?
Le notaire met l’accent sur les servitudes de voisinage qui dégradent vos droits en tant que nouveau propriétaire. Il insiste notamment sur les servitudes acquises par usage trentenaire, et vous explique les différentes manières d’en sortir. Notez qu’acheter un bien grevé d’une servitude, c’est le vendre potentiellement avec la même servitude à terme. Veillez donc à ce que cette servitude de voisinage, et notamment le droit de passage, ne représente pas un frein à l’achat – ni au vôtre, ni pour les candidats lorsque vous revendrez.